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Les relations entre la Tunisie et la France vont elles connaitre un hiver rigoureux ?

Le peuple tunisien a voté ce dimanche 23 octobre 2011 pour choisir les membres de sa future assemblée constituante. Tous les observateurs aussi bien nationaux que venus de l’étranger ont été  unanimes pour témoigner du  bon déroulement dans un climat général de transparence et de liberté de ce premier scrutin libre.

La Tunisie a pu l’organiser en un temps relativement court, moins de dix mois après avoir chassé Ben Ali et son clan par la pression de la rue,une réussite malgré l’absence de tradition démocratique.Ce n’est pas une surprise , le dictateur est parti, son régime s’est effondré mais la continuité de l’état a été  assurée sans oublier la tenacité de la société civile à mettre un frein à la contre-révolution qui a failli capoté la dynamique révolutionnaire.

Ces élections sont inédites depuis l’indépendance du pays en 1956 après la fin du protectorat français de 1881, peut être même uniques dans le monde arabe.

Elles ne sont pas une fin en soi, mais elles constituent une étape importante dans la transition démocratique qui pourra servir de modèle pour le reste du Maghreb et Moyen-Orient.

Même si les résultats ne sont pas encore définitifs à ce jour, c’est le parti Ennahdha qui est déclaré le vainqueur vu sa confortable avance en nombre de sièges gagnés dans cette assemblée.

Les réactions louants la bonne tenue des élections et les félicitations pour la transition démocratique n’ont pas tardé à venir de la part des principaux dirigeants européens sans oublier les encouragements de l’administration américaine qui semble vouloir toujours prendre les devants.

Cependant un pays par le biais de son gouvernement a une position pour le moins ambiguë depuis le déclenchement de la révolution en Tunisie,  c’est la France ancienne puissance coloniale ! Après le déclenchement des manifestations de décembre 2010 et l’immolation par le feu de Bouazizi elle n’a pas vu venir ce qui allait être le début d’une révolution pacifique et ensuite le  » printemps arabe  ».

Elle ne s’est  même pas préoccupée des revendications d’aspiration à la justice et à la liberté des Tunisiens, pire elle n’a eu comme seul souci de proposer son savoir faire sécuritaire pour courir au secours du régime ami de Ben Ali, c’est ce qu’on a appelé la   » diplomatie de la matraque  » dixit Harlem Désir.

Pour rappel pendant la campagne présidentielle, en mars 2007,  le président Sarkozy s’était engagé à  » défendre les droits de l’homme partout où ils sont méconnus ou menacés « . Alors que la Tunisie vient de prendre son avenir en main à travers son peuple qui a choisi la démocratie,ce même président par le passé en concubinage avec Ben Ali  exprime maintenant son inquiétude : « La France sera vigilante sur le respect des droits de l’homme et des principes démocratiques ». Quel paradoxe !

Ignacio Cembrero   journaliste à El País, le  fameux quotidien espagnol, s’est interrogé sur le manque d’enthousiasme de la diplomatie française à vouloir envoyer des signes d’encouragement au peuple tunisien après la réussite des élections.

 » La France a été mesquine vis à vis de la Tunisie qui accouche d’une démocratie  » écrit il au début d’un billet intéressant à lire.

Aussi il pense que l’on soit d’accord ou non avec les idées du vainqueur il aurait été plus judicieux de le féliciter lui qui tire dorénavant sa légitimité des urnes :

  » On peut certes s’inquiéter légitimement des intentions, sur le moyen ou le long terme, d’Ennahda. Mais d’abord il faut être bon prince et se réjouir du démarrage de cette expérience démocratique en Afrique du Nord, manifester sa volonté de l’épauler, de travailler main dans la main avec les nouveaux représentants du peuple tunisien  » .

Il conclut son article par une phrase qui résume bien à mon goût  la position de la Françe qui souffle le chaud et le froid :

«  La France qui a été la dernière puissance occidentale à lâcher Ben Ali est à nouveau la dernière quand il s’agit de fêter avec les tunisiens la démocratie naissante  » .

D’une manière générale les médias français ont relativement bien accueilli le  résultat  de ces élections, sauf que l’on sent que certains commencent à ronger leur frein et déraper pour nous resservir la sempiternelle menace islamique aux portes de l’Europe.

Tel est le cas de certains éditocrates comme l’aime à le rappeler Alain Gresh dans le blog Nouvelles d’Orient,   » Mais voilà : certains n’acceptent la démocratie que lorsque les électeurs votent comme ils le souhaitent  » souligne t’il .

Or , il se trouve que la Tunisie n’a pas fait une révolution aussi prometteuse que celle ci juste pour faire plaisir au côté Nord de la méditerannée. C’est une réelle aspiration à la liberté que malheureusement la classe dirigeante française principalement de droite a tardivement comprise contrairement à l’administration américaine d’Obama.

Cette révolution vient d’aboutir sur un processus démocratique, les islamistes sont une composante de la société avec laquelle les forces démocratiques et laiques du pays doivent composer et non exclure comme par le passé juste pour justifier la maxime  » dictature ou islamisme  » chère aux personnalités françaises qui ont presque toutes un pied-à-terre confortable en Tunisie.

Après tout ce ne sont que des élections pour l’assemblée constituante,cette assemblée a pour seule vocation de rédiger la future constitution et non pas d’élaborer une politique à long terme pour la Tunisie.Le chemin à parcourir est encore très long , Ennahdha n’est même pas assurée de s’enraciner et s’accaparer du pouvoir !

Reste à Ennahdha de démontrer comme je l’ai dit dans mon précédent billet qu’elle ne cherche pas à imposer sa vision de la société, mais plutôt laisser à tout citoyen sa propre conviction décider pour lui, de quoi dissiper  les doutes chez les plus sceptiques qui ne cessent d’alimenter le fonds de commerce des  » islamophobes  » .

Quand la France va-t-elle féliciter Ennahda en Tunisie ?  par  Ignacio Cembrero

Tunisie, les éditocrates repartent en guerre  par Alain Gresh

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